WK-CE Connections

L'article 102 TFUE : qu'est-ce que l'abus de position dominante ?

21 octobre 2023

Comprendre le traité sur le fonctionnement de l'union européenne (TFUE)

Le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne est le successeur du traité de Rome de 1957, qui avait créé la Communauté économique européenne (CEE). Il a été signé en 2007 et est entré en vigueur en 2009. Le TFUE est l'un des principaux textes qui régissent l'Union Européenne (UE). Il définit les règles de fonctionnement des institutions de l'UE, les compétences de ces dernières ainsi que les droits et obligations des États membres.

Ce traité est divisé en sept parties, comprenant au total 358 articles :

  • La première partie définit les principes et les objectifs de l'UE.
  • La deuxième partie traite du droit de citoyenneté européenne et des droits fondamentaux.
  • Les parties suivantes sont consacrées aux politiques de l'UE, à son action extérieure, au fonctionnement de ses institutions et aux dispositions finales.

L'Article 102 du TFUE, que nous allons examiner plus en détail, se situe dans la troisième partie du traité portant sur les politiques internes de l'UE. Plus précisément, cet article fait partie du titre VII, qui concerne les règles de concurrence applicables aux entreprises et les aides d'État. Cet article est l'un des piliers du droit de la concurrence européen car il interdit aux entreprises d'abuser de leur position dominante sur le marché. C'est le principal outil utilisé par la Commission européenne pour réguler les activités des entreprises ayant une influence significative sur le marché, afin d'empêcher les comportements anticoncurrentiels et de garantir un niveau de concurrence équitable.

shape
La Commission européenne peut infliger de lourdes amendes aux entreprises coupables

Définition de l'abus de position dominante selon l'article 1 TFUE

L'article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) offre une définition juridique précise de l'abus de position dominante. Il indique qu'une entreprise est considérée comme abusant de sa position dominante lorsqu'elle empêche, par ses actions, la concurrence effective et libre sur le marché intérieur.

L'abus de position dominante peut se manifester de diverses manières, qui peuvent aller de la fixation de prix excessifs à la limitation de la production, de l'innovation ou du développement technique, jusqu'au préjudice des consommateurs, à l'application de conditions de transaction inéquitables ou encore à la discrimination entre les partenaires commerciaux. Une entreprise peut également abuser de sa position dominante et entraver la concurrence en liant ou en regroupant certains produits ou services.

Il est utile de noter que l'article 102 TFUE ne condamne pas la position dominante en soi, mais son abus. Une entreprise a donc tout à fait le droit d'être en position dominante sur le marché, tant qu'elle ne fait pas usage de cette position de manière abusive. En effet, une position dominante est souvent le résultat d'une concurrence efficace, et cela peut stimuler l'innovation et l'amélioration de la qualité. Toutefois, une entreprise en position dominante a une responsabilité particulière consistant à ne pas altérer une concurrence effective et non faussée sur le marché intérieur.

L'article 102 TFUE s'applique concrètement lorsque deux conditions sont remplies :

  1. L'entreprise doit être en position dominante sur le marché.
  2. Cette entreprise doit abuser de cette position.

La détermination de ces deux éléments nécessite une analyse complexe prenant en compte de nombreux facteurs (part de marché de l'entreprise, existence de barrières à l'entrée sur le marché, ou encore pouvoir de négociation de l'entreprise vis-à-vis de ses clients et fournisseurs).

Les critères d'identification de l'abus de position dominante

L'article 102 du TFUE ne définit pas explicitement ce qu'est une position dominante ni dans quelle situation il y a abus. Cependant, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a développé une jurisprudence qui fournit des critères d'identification pour ces deux concepts :

  • Selon la jurisprudence de la CJUE, la position dominante se caractérise par l'absence de concurrence effective et est déterminée par plusieurs facteurs : la part de marché de l'entreprise, la présence de barrières à l'entrée sur le marché, la capacité de l'entreprise à fixer ses propres prix sans concurrence, la présence d'une marque forte ou d'un produit unique, et la dépendance des consommateurs à l'égard de l'entreprise. Il est important de noter que la possession d'une position dominante n'est pas illégale en soi, mais que c'est son abus qui est interdit par l'article 102 du TFUE.
     
  • L'abus est interprété comme un comportement affectant la structure de la concurrence sur le marché, d'une manière qui n'aurait pas été possible sans la position dominante de l'entreprise. Les abus peuvent concerner par exemple la fixation de prix excessifs, la limitation de la production, de l'innovation ou de l'accès au marché, l'application de conditions de vente inéquitables, la discrimination entre les clients, et l'exploitation abusive de la dépendance des clients.
     
  • Il est également important de noter que l'article 102 du TFUE ne requiert pas que l'abus soit effectif, mais il suffit qu'il soit potentiel. Une entreprise en position dominante doit donc faire preuve d'une vigilance particulière pour éviter de tomber dans les pratiques abusives.

En somme, l'identification de cet abus de position dominante nécessite une analyse complexe qui tienne compte de nombreux facteurs. La CJUE et la Commission européenne jouent un rôle crucial dans cette analyse, en fournissant des orientations et des indications précises sur la manière dont ces critères doivent être appliqués.

Les conséquences juridiques de l'abus de position dominante

L'abus de position dominante est une infraction grave aux règles de concurrence établies par l'Union européenne, ce qui peut entraîner de lourdes conséquences juridiques pour les entreprises fautives. Les sanctions peuvent varier en fonction de la gravité de l'infraction, de l'ampleur du dommage causé au marché et de sa durée.

L'une des principales conséquences juridiques de cet abus de position est l'imposition d'amendes substantielles, avec un montant pouvant atteindre jusqu'à 10% du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'entreprise concernée. L'ampleur de ces amendes vise à dissuader les entreprises d'enfreindre les règles de concurrence, et à réprimer celles qui le font.

La Commission européenne, organe chargé de surveiller le respect des règles de concurrence au sein de l'UE, peut également imposer des mesures correctives en plus du paiement des amendes. Elle peut, par exemple, exiger de l'entreprise qu'elle modifie ses pratiques commerciales pour se conformer aux règles de concurrence. Cela peut même parfois entraîner l'obligation, pour une entreprise, de se défaire de certaines de ses activités ou de ses actifs.

De plus, l'abus de position dominante peut nuire à la réputation d'une entreprise car les consommateurs et les autres entreprises seront moins enclins à faire affaire avec une entreprise qui a été reconnue coupable de cela. Cela peut donc avoir un impact négatif sur les opérations commerciales de l'entreprise à long terme.

Enfin, l'abus de position dominante peut avoir des conséquences juridiques à long terme pour une entreprise. Ainsi, elle peut être tenue responsable des dommages causés à d'autres entreprises en raison de son comportement anticoncurrentiel, ce qui peut entraîner des actions en dommages et intérêts pouvant coûter des sommes considérables.

Pour conclure, les conséquences juridiques de l'abus de position dominante sont nombreuses et potentiellement dévastatrices pour une entreprise. Il est donc crucial de bien comprendre et respecter les règles de concurrence établies par l'UE.

shape
C'est à la Commission européenne que revient le rôle d'autorité de concurrence

Cas juridiques marquants d'abus de position dominante en Europe

Plusieurs cas juridiques concernant l'abus de position dominante (en vertu de l'article 102 du TFUE) ont marqué l'histoire de l'Europe :

  1. L'un des plus emblématiques est sans doute celui de la société de technologie Intel, en 2009, à qui la Commission européenne a infligé une amende record de 1,06 milliard d'euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des microprocesseurs. Intel aurait accordé des remises importantes à ses clients à la condition qu'ils limitent ou cessent d'acheter des microprocesseurs auprès de ses concurrents, pratique jugée contraire à l'article 102 du TFUE qui interdit les comportements abusifs de la part des entreprises en position dominante.
  2. Un autre cas notable est celui de Google, en 2017, qui s'est vu infliger une amende de 2,42 milliards d'euros pour les mêmes motifs. Le géant du web avait favorisé son propre service de comparaison de prix, Google Shopping, dans ses résultats de recherche, au détriment de ses concurrents. Ce procédé a été jugé comme un abus de position dominante, violant ainsi l'article 102 du TFUE.
  3. De même, en 2020, Apple a fait l'objet d'une enquête de l'Union européenne car elle était soupçonnée d'abus liés à son App Store. En effet, les développeurs d'applications se sont plaints du fait que l'entreprise impose des conditions d'utilisation inéquitables et prélève une commission de 30% sur les achats d'applications, ce qui aurait pu constituer un abus de position dominante. Ce cas est toujours en cours d'examen.
  4. Le cas de Microsoft en 2004, enfin, a également marqué les esprits. La Commission européenne lui a infligé une amende de 497 millions d'euros pour abus de position dominante car le géant de l'informatique avait refusé de fournir à ses concurrents les informations nécessaires pour que leurs produits puissent fonctionner correctement avec le système d'exploitation Windows.

Ces exemples illustrent concrètement la manière dont l'article 102 du TFUE est appliqué pour réguler les comportements des entreprises en position dominante sur le marché et pour garantir une concurrence loyale. Cela souligne l'importance de respecter les règles de concurrence, car les amendes pour abus de position dominante peuvent être très élevées.

shape
L'abus de position dominante sur le marché est clairement dénoncé

Comment lutter contre l'abus de position dominante : rôle et mesures de l'Union européenne

La lutte contre l'abus de position dominante est complexe mais essentielle pour garantir une concurrence libre et non faussée au sein du marché unique de l'Union européenne. Son rôle dans ce combat est primordial et s'articule autour de plusieurs piliers :

- C'est à la Commission européenne que revient le rôle d'autorité de concurrence au niveau de l'UE. Celui-ci consiste à enquêter sur les entreprises suspectées d'abus de position dominante, à réaliser des inspections et à demander des informations. À l'issue de ces investigations, la Commission peut infliger aux coupables des sanctions financières pouvant aller jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires mondial.

- L'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) prévoit que toute entreprise abusant de sa position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci puisse être sanctionnée. L'UE a donc mis en place un cadre législatif strict pour prévenir et sanctionner cet abus de position, complété par une jurisprudence riche précisant les contours de cette notion d'abus.

- Le rôle des autorités nationales de concurrence est également essentiel,  en parallèle des actions de la Commission. Ces autorités sont, en effet, en première ligne pour détecter et sanctionner les abus de position dominante. Elles travaillent en étroite collaboration avec la Commission européenne dans le cadre du réseau européen de concurrence, ce qui permet un échange d'informations et une coordination d'actions.

- En outre, l'UE a également un rôle à jouer en matière de prévention car elle encourage les entreprises à adopter des pratiques de concurrence loyale et à en respecter les règles. Elle propose des lignes directrices à cet effet, et organise des formations à destination des entreprises.

La lutte contre l'abus de position dominante est donc un enjeu majeur pour l'Union européenne. Celle-ci veille à garantir une concurrence libre et non faussée au sein du marché unique, grâce à un arsenal juridique solide et à une action résolue de la Commission européenne et des autorités nationales de concurrence.

shape
Les sanctions financières peuvent être très pénalisantes
WK-CE Connections

Tous droits réservés | © Copyright wk-ce.fr.